Lors
d'une réunion publique que nous avons organisée le 25 octobre
dernier afin de présenter un nouveau projet municipal pour
Taulignan, nous avons évoqué le futur regroupement de la Communauté
de Commune de l’Enclave des Papes (CCEP) avec la nôtre (CCPG),
l'absence d'informations des Taulignanais-e-s à ce sujet et le danger
que pourrait représenter cette fusion pour notre régie publique de
l'eau.
A
peine 15 jours plus tard, nous apprenons, stupéfaits, par la presse,
que la CCPG (Communauté de Communes du Pays de Grignan) a décidé
de mettre la régie de l'eau dans les compétences de la future
communauté de communes, et décidé que cette gestion serait livrée
à des entreprises privées !
" Par contre, l'Enclave "a fait "admettre" à la CCPG le transfert au privé de la gestion de l'eau et de l'assainissement, (...)" (La Tribune - Jeudi 7 novembre)
Nous
nous interrogeons avec une très grande inquiétude sur le fondement
de cette décision et sa légitimité, voire sa légalité.
C'est la raison pour laquelle nous avons envoyé une lettre à M. Le maire et à son premier adjoint qui est, en même temps, premier vice-président de la CCPG, afin d'avoir une réponse officielle.
L'eau est un bien commun, essentiel à la vie.
La
France est une exception européenne et mondiale quant à sa gestion
privée à 72 % de son eau alors que 90% de ce bien vital est en
gestion publique dans le Monde et 80% en Europe.
Malgré
tout, on constate une vraie prise de conscience écologique des
Français sur ce sujet et un essor sans précédent des associations
de consommateurs. Les élus eux-mêmes, partout en France,
s’intéressent à ces questions et de plus en plus de Grandes
agglomérations et de Communautés de communes (Paris, Grenoble,
Bordeaux, Nice, Toulouse, Brest, Lille, Rouen, Durance-Luberon…)
reviennent à une gestion publique. Même des Conseils Généraux
comme celui des Pyrénées Orientales ont lancé une politique
d’incitation au retour en régie municipale ou intercommunale.
Seulement 20% des zones rurales est en gestion privée et Taulignan semble, une fois de plus, aller à contre courant de l'Histoire. Pourquoi ?
Nous
avons déjà l'expérience de la gestion des déchets par la CCPG.
(Suite à une interpellation, et avant
que nous puissions recalculer le coût exact du passage de la taxe
d'enlèvement des ordures ménagères à la redevance (REOM) (depuis
le transfert à la CCPG), voici les chiffres concernant les
augmentations de la REOM sur Taulignan depuis 2009 : 2009 : 125 € - 2011 : 137
€ soit une augmentation de presque 10 % en 3 ans.)
Il y a eu un véritable transfert de charges
des collectivités vers les ménages.
Comment peut-on ne pas croire que le coût de l'eau ne va pas connaître le même
sort et va baisser en passant en gestion privée ? La réalité
est que les coûts sont supérieurs en moyenne de 25 % lorsque la
gestion n'est pas publique. Nous avons fait un calcul sur trois
factures récentes d'usagers de Taulignan, Valréas et Visan. Le coût
au m3 est aujourd'hui de 13 à 15% plus cher dans
l'Enclave en gestion privée qu'à Taulignan. Les écarts montent
jusqu'à 28% sur l'assainissement !
De
plus, en offrant notre réseau d'eau à la gestion de grands groupes
privés comme la SAUR (qui a, pour rappel, 1,7 Milliards de dette
!) on retire au regard démocratique ce bien d'intérêt général.
Mais surtout, en tant que nécessité vitale, l'eau doit être
l'objet d'un droit d'accès universel pour tous les usagers.
Le but d'une entreprise
(sans juger) est de faire des bénéfices et, d'autant plus pour les
multinationales qui s’accaparent les marchés de l'eau, dans le but
de rémunérer ses actionnaires, souvent au détriment de la qualité
de ses services.
Comment
peut-on alors croire qu'elles privilégieront cet intérêt général
de premier ordre ? Comment pourraient-elles, dans ces
conditions, avoir une attitude solidaire et une volonté de préserver
notre ressource en eau et lutter contre le gaspillage (puisque plus
elle vend plus elle prospère), de limiter les pertes (qui lui
rapporteront de l'argent puisque les coûts sont évalués sur la
production et reportés sur la consommation) ?
Seul
un opérateur public peut orienter sa politique d'eau potable pour
assurer un service de l'eau à prix coûtant et garantir le niveau
nécessaire de renouvellement des installations, seules conditions
pour que les générations futures n'aient pas à supporter le poids
des investissements qui auraient été sous-estimés pendant des
années.
En
régie publique, la totale transparence sur la réalité des
investissements, sur la constitution de la facture, les
comptes-rendus devant des assemblées délibératives, le lien
immédiat avec les usagers-citoyens, sont les garanties démocratiques
de la préservation de ce bien essentiel et de l'intérêt général.
La
réalité aujourd’hui de la gestion privée (et c'est bien la
raison pour laquelle de nombreuses villes en sortent, quelque soit
leur bord politique) est une catastrophe économique pour les
ménages, écologique pour la France, et démocratique pour les
citoyens. La démarche d'évaluation des coûts par les entreprise
délégataires est totalement opaque et il est très difficile
d'avoir accès à ce qui constitue cette valeur, de connaître la
composition du prix, autrement dit la part liée à la transformation
de l'eau gratuite prélevée dans le milieu naturel, en eau potable.
Pour être capable de faire une surveillance efficace de ces
entreprises, il faudrait que les collectivités qui délèguent
créent un service spécial, ce qui deviendrait une aberration !
Mais d'autres interrogations nous inquiètent.
Aujourd'hui,
la gestion de l'eau appartient à tous en tant que bien public. Qui
alors à Taulignan, a pris cette décision d'en déléguer la gestion
au privé ? A regarder les compte-rendus des conseils
municipaux, nous n'avons jamais vu une décision prise en ce sens.
D'ailleurs, les enjeux sont tels que nous pensons qu'une
consultation de tous les Taulignanais-es est nécessaire.
Alors que les élections auront lieu dans 4 mois, pourquoi précipiter
cette décision ? C'est pour le moins étrange et l'absence de
communication peut laisser place à toutes les interprétations.
Pire
encore, le journal explique que la CCPG se félicite d'avoir obtenu
la reprise de la compétence petite enfance par la future communauté
de commune contre le « transfert au privé de la gestion
de l'eau ». On croit rêver ! Pour le moins une telle
satisfaction mériterait des explications précises, mais il n’est
pas certain qu’elles satisfassent les Taulignanais-e-s.
D'ailleurs,
de quel droit la CCPG peut-elle seule décider du transfert de cette
compétence à la future communauté de communes alors qu'elle n'en a
pas la charge aujourd'hui ?
Pourquoi,
alors que notre CCPG n'existera plus dans un mois et demi, se
précipite-t-elle pour prendre des décisions si importantes pour les
populations qu'elle représente ?
Et
si cette décision n'est qu'un accord tacite, comment pouvons nous avoir la garantie que ce sont les futures municipalités et les futures
délégué-e-s intercommunaux élu-e-s en mars qui auront à prendre la
décision finale ? Pourquoi la future communauté de communes
déciderait-elle de cela dans l'urgence, entre janvier (date de son
existence réelle) et mars, alors que les élections arrivent ?
Rien n'oblige la municipalité de Taulignan à accepter cela, c'est donc un choix que nous voulons comprendre.
Dans
le cadre de notre projet municipal « Bien vivre ensemble à
Taulignan », nous demandons que cette décision soit
immédiatement suspendue, que rien ne soit décidé dans une urgence
inutile et nocive. Nous demandons que les élections municipales et
les débats qu'elles susciteront soient l'occasion de consulter nos
concitoyen-ne-s et de leur donner le pouvoir de décision.
Cette
future communauté de communes peut être un outil formidable pour le
développement de notre région. Mais nous nous opposerons au fait
qu'elle soit utilisée pour transférer les charges et les devoirs
des collectivités vers les ménages.
Nous appellerons tous les citoyen-ne-s et élu-e-s du Pays de Grignan qui soutiennent cette idée, à nous rejoindre.
L'eau,
sur notre territoire, encore plus dans notre village, est plus qu'un
bien commun universel, c'est un patrimoine commun. Le collectif
« Bien vivre ensemble à Taulignan » se battra pour que
ce patrimoine essentiel reste dans les mains des habitants. Il ne
suffit pas d'aimer son village pour en servir l'intérêt général,
c'est au contraire en servant l'intérêt général de façon
désintéressée qu'on le donnera à aimer.
(crédit photos : Pierre Devin)
(crédit photos : Pierre Devin)
Idem pour les ordures ménagères
RépondreSupprimerJP
Voici en d'autres lieux les mêmes aspirations : http://lesmur-eau.overblog.com/
RépondreSupprimerCette histoire d'o me révolte. Ne pourrait-on pas envisager une pétition sur les communes concernées ?
RépondreSupprimerMarie-Christine Rixte
Bientôt nous mettrons des informations sur ce blog. Nous avons écrit à tou-te-s les élu-e-s municipaux de la CCPG et à son président. Nous avons rencontré la municipalité de Taulignan et un collectif de sauvegarde de l'eau en régie publique se constitue. Une lettre à la population sera disponible rapidement.
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