jeudi 14 novembre 2013

Vers une privatisation de l'eau ? Réagissons !

Lors d'une réunion publique que nous avons organisée le 25 octobre dernier afin de présenter un nouveau projet municipal pour Taulignan, nous avons évoqué le futur regroupement de la Communauté de Commune de l’Enclave des Papes (CCEP) avec la nôtre (CCPG), l'absence d'informations des Taulignanais-e-s à ce sujet et le danger que pourrait représenter cette fusion pour notre régie publique de l'eau.



A peine 15 jours plus tard, nous apprenons, stupéfaits, par la presse, que la CCPG (Communauté de Communes du Pays de Grignan) a décidé de mettre la régie de l'eau dans les compétences de la future communauté de communes, et décidé que cette gestion serait livrée à des entreprises privées !

" Par contre, l'Enclave "a fait "admettre" à la CCPG le transfert au privé de la gestion de l'eau et de l'assainissement, (...)" (La Tribune - Jeudi 7 novembre)



Nous nous interrogeons avec une très grande inquiétude sur le fondement de cette décision et sa légitimité, voire sa légalité.


C'est la raison pour laquelle nous avons envoyé une lettre à M. Le maire et à son premier adjoint qui est, en même temps, premier vice-président de la CCPG, afin d'avoir une réponse officielle.





L'eau est un bien commun, essentiel à la vie.




La France est une exception européenne et mondiale quant à sa gestion privée à 72 % de son eau alors que 90% de ce bien vital est en gestion publique dans le Monde et 80% en Europe.



Malgré tout, on constate une vraie prise de conscience écologique des Français sur ce sujet et un essor sans précédent des associations de consommateurs. Les élus eux-mêmes, partout en France, s’intéressent à ces questions et de plus en plus de Grandes agglomérations et de Communautés de communes (Paris, Grenoble, Bordeaux, Nice, Toulouse, Brest, Lille, Rouen, Durance-Luberon…) reviennent à une gestion publique. Même des Conseils Généraux comme celui des Pyrénées Orientales ont lancé une politique d’incitation au retour en régie municipale ou intercommunale.



Seulement 20% des zones rurales est en gestion privée et Taulignan semble, une fois de plus, aller à contre courant de l'Histoire. Pourquoi ?




Nous avons déjà l'expérience de la gestion des déchets par la CCPG. 
(Suite à une interpellation, et avant que nous puissions recalculer le coût exact du passage de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à la redevance (REOM) (depuis le transfert à la CCPG), voici les chiffres concernant les augmentations de la REOM sur Taulignan depuis 2009 : 2009 : 125 € - 2011 : 137 € soit une augmentation de presque 10 % en 3 ans.)
Il y a eu un véritable transfert de charges des collectivités vers les ménages.



Comment peut-on ne pas croire que le coût de l'eau ne va pas connaître le même sort et va baisser en passant en gestion privée ? La réalité est que les coûts sont supérieurs en moyenne de 25 % lorsque la gestion n'est pas publique. Nous avons fait un calcul sur trois factures récentes d'usagers de Taulignan, Valréas et Visan. Le coût au m3 est aujourd'hui de 13 à 15% plus cher dans l'Enclave en gestion privée qu'à Taulignan. Les écarts montent jusqu'à 28% sur l'assainissement !



De plus, en offrant notre réseau d'eau à la gestion de grands groupes privés comme la SAUR (qui a, pour rappel, 1,7 Milliards de dette !) on retire au regard démocratique ce bien d'intérêt général. Mais surtout, en tant que nécessité vitale, l'eau doit être l'objet d'un droit d'accès universel pour tous les usagers.



Le but d'une entreprise (sans juger) est de faire des bénéfices et, d'autant plus pour les multinationales qui s’accaparent les marchés de l'eau, dans le but de rémunérer ses actionnaires, souvent au détriment de la qualité de ses services.



Comment peut-on alors croire qu'elles privilégieront cet intérêt général de premier ordre ? Comment pourraient-elles, dans ces conditions, avoir une attitude solidaire et une volonté de préserver notre ressource en eau et lutter contre le gaspillage (puisque plus elle vend plus elle prospère), de limiter les pertes (qui lui rapporteront de l'argent puisque les coûts sont évalués sur la production et reportés sur la consommation) ?



Seul un opérateur public peut orienter sa politique d'eau potable pour assurer un service de l'eau à prix coûtant et garantir le niveau nécessaire de renouvellement des installations, seules conditions pour que les générations futures n'aient pas à supporter le poids des investissements qui auraient été sous-estimés pendant des années.

En régie publique, la totale transparence sur la réalité des investissements, sur la constitution de la facture, les comptes-rendus devant des assemblées délibératives, le lien immédiat avec les usagers-citoyens, sont les garanties démocratiques de la préservation de ce bien essentiel et de l'intérêt général.



La réalité aujourd’hui de la gestion privée (et c'est bien la raison pour laquelle de nombreuses villes en sortent, quelque soit leur bord politique) est une catastrophe économique pour les ménages, écologique pour la France, et démocratique pour les citoyens. La démarche d'évaluation des coûts par les entreprise délégataires est totalement opaque et il est très difficile d'avoir accès à ce qui constitue cette valeur, de connaître la composition du prix, autrement dit la part liée à la transformation de l'eau gratuite prélevée dans le milieu naturel, en eau potable. Pour être capable de faire une surveillance efficace de ces entreprises, il faudrait que les collectivités qui délèguent créent un service spécial, ce qui deviendrait une aberration !



Mais d'autres interrogations nous inquiètent.




Aujourd'hui, la gestion de l'eau appartient à tous en tant que bien public. Qui alors à Taulignan, a pris cette décision d'en déléguer la gestion au privé ? A regarder les compte-rendus des conseils municipaux, nous n'avons jamais vu une décision prise en ce sens. D'ailleurs, les enjeux sont tels que nous pensons qu'une consultation de tous les Taulignanais-es est nécessaire.  Alors que les élections auront lieu dans 4 mois, pourquoi précipiter cette décision ? C'est pour le moins étrange et l'absence de communication peut laisser place à toutes les interprétations.



Pire encore, le journal explique que la CCPG se félicite d'avoir obtenu la reprise de la compétence petite enfance par la future communauté de commune contre le « transfert au privé de la gestion de l'eau ». On croit rêver ! Pour le moins une telle satisfaction mériterait des explications précises, mais il n’est pas certain qu’elles satisfassent les Taulignanais-e-s.



D'ailleurs, de quel droit la CCPG peut-elle seule décider du transfert de cette compétence à la future communauté de communes alors qu'elle n'en a pas la charge aujourd'hui ?



Pourquoi, alors que notre CCPG n'existera plus dans un mois et demi, se précipite-t-elle pour prendre des décisions si importantes pour les populations qu'elle représente ?



Et si cette décision n'est qu'un accord tacite, comment pouvons nous avoir la garantie que ce sont les futures municipalités et les futures délégué-e-s intercommunaux élu-e-s en mars qui auront à prendre la décision finale ? Pourquoi la future communauté de communes déciderait-elle de cela dans l'urgence, entre janvier (date de son existence réelle) et mars, alors que les élections arrivent ?



Rien n'oblige la municipalité de Taulignan à accepter cela, c'est donc un choix que nous voulons comprendre.



Dans le cadre de notre projet municipal « Bien vivre ensemble à Taulignan », nous demandons que cette décision soit immédiatement suspendue, que rien ne soit décidé dans une urgence inutile et nocive. Nous demandons que les élections municipales et les débats qu'elles susciteront soient l'occasion de consulter nos concitoyen-ne-s et de leur donner le pouvoir de décision.



Cette future communauté de communes peut être un outil formidable pour le développement de notre région. Mais nous nous opposerons au fait qu'elle soit utilisée pour transférer les charges et les devoirs des collectivités vers les ménages.



Nous appellerons tous les citoyen-ne-s et élu-e-s du Pays de Grignan qui soutiennent cette idée, à nous rejoindre.




L'eau, sur notre territoire, encore plus dans notre village, est plus qu'un bien commun universel, c'est un patrimoine commun. Le collectif « Bien vivre ensemble à Taulignan » se battra pour que ce patrimoine essentiel reste dans les mains des habitants. Il ne suffit pas d'aimer son village pour en servir l'intérêt général, c'est au contraire en servant l'intérêt général de façon désintéressée qu'on le donnera à aimer. 


(crédit photos : Pierre Devin) 

4 commentaires:

  1. Idem pour les ordures ménagères

    JP

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  2. Voici en d'autres lieux les mêmes aspirations : http://lesmur-eau.overblog.com/

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  3. Cette histoire d'o me révolte. Ne pourrait-on pas envisager une pétition sur les communes concernées ?
    Marie-Christine Rixte

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    1. Bientôt nous mettrons des informations sur ce blog. Nous avons écrit à tou-te-s les élu-e-s municipaux de la CCPG et à son président. Nous avons rencontré la municipalité de Taulignan et un collectif de sauvegarde de l'eau en régie publique se constitue. Une lettre à la population sera disponible rapidement.

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